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Without you I'm nothing
7 août 2005

" Car ils posséderont la terre ... "

Le samedi 27 octobre, à quatre heures de l'apres midi, les passants de la place Vendôme virent une cinquantaine d'hommes et de femmes, jeunes pour la plupart, s'aligner sur plusieurs rangs devant le ministere de la Justice et deployer des banderoles : NOUS PROTESTONS CONTRE LES CAMPS D'INTERNEMENT.
   On designait ainsi les lieux où le gouvernement emprisonnait aussi longtemps qu'il lui plaisait ceux qui ne lui plaisaient pas. Ils etaient alors peuplés de musulmans decretes "suspects" sans qu'aucune enquete eut permis de l'etablir.
   Les passants regardaient donc avec une curiosité goguenarde ces fous tranquilles qui ressemblaient davantage à l'Armée du Salut qu'à des manifestants. La police n'eut pas à intervenir car ces silencieux n'entravaient pas la circulation et ne derangeaient personne, hormis le ministre dont les banderoles ravivaient une plaie secrete.
   On classa l'incident jusqu'au samedi suivant où les memes fous se presenterent au ministere de l'Interieur pour solliciter leur internement dans les camps : " Nous aussi, nous sommes suspects ... " Ils avaient respectueusement expose leur point de vue dans une missive au ministre demeuree lettre morte; ils venaient respectueusement demander reponse. Elle se presenta sous la forme d'une brigade d'agents qui, sans egards, leur enjoignit de se disperser; alors ils s'assirent par terre.
   " Merde ! s'ecria l'un des policiers : ce sont des non-violents. "
   Ce gibier, qu'on ne pouvait pas lever, lui paraissait sans honneur. Il fallut amener des camions; les Cinquantes s'y laisserent trainer par les epaules ou par les pieds. La foule observait l'operation d'un autre oeil que la semaine precedente; le silence l'avait gagnée. Seul, un petit garcon se mit à pouffer : " Ces grandes personnes qui faisaient l'enfant ... "
   _ Tais-toi, gronda sa mere, il n'y a pas de quoi rire. "
   Comme un agent brutalisait l'un des manequins, un passant lui cria :
   " Il n'a rien fait. Pourquoi le maltraiter-vous ? "
   On emmena les Cinquantes dans un depot où ils furent toisés, photographies, fichés; puis d'autre camions les transporterent à quelques lieues de Paris avant de les derverser en plein champ, dans la bonne odeur de la terre endormie. Il etait trois heures apres minuit; ils revinrent à pied en chantant; et, le lendemain matin, les agents crurent devenir enrages en reconnaissant leurs moutons obstines, debout, silencieux, devant le ministere ...
Ce jours là, cinq attroupements semblables prirent place a la meme heure devant la prefecture de chacun des departements qui abritaient un camp.
[...]
   Le dimanche suivant, à l'heure meme où, dans la chapelle que leurs predecesseurs avaient naivement bariolée, les detenus retrouvaient leur esprit d'enfance, un millier de personnes, mysterieusement prevenues, se rassemblaient devant le camp d'internement le plus proche de Paris. Ces Mille etaient de toutes les origines; des ouvriers, des professeurs, des religieux. Banderoles et tracts reclammaient pour eux le droit de souffrir le meme sort que les musulmans internes, car c'est un honneur que de partager avec un innocent le poids de l'injustice : c'est l'honneur de Simon de Cyrene.
   Les autorités hesiterent à l'incarcerer un Prix Nobel, un membre de l'Institut et plusieurs dominicains; d'ailleurs, le camp etaient deja plein. On se contenta donc de les trainer a terre et de les balancer dans des camions à destinations d'un depot où ils eurent tout le loisir, vingt-quatre heures durant, d'approfondir entre eux les fondements de la non-violence, de concerter une campagne de propaganden de dresser des listes de sympathisants - bref, de poursuivre à mille, en une nuit, la besogne que Roland avait elaborée seul durant tant de veilles.
   

                                 *****************************************

   Le contraire de la violence n'est pas la passivité, mais la patience.

   Le plus difficile est de ne pas être violent, face aux violents.

   Le jour où un homme armé apparaitra ce qu'il est vraiment : plus faible en soi que tout autre, le monde sera sauvé.

   Les affaires, c'est l'argent des autres; la guerre, le sang des autres.

   Le plus grand courage de tous est celui de paraitre un lache.

Entre chien et loup , Gilbert Cesbron

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